États-Unis : APRÈS PLUS DE 30 ANS DANS LE COULOIR DE LA MORT, UN HOMME RISQUE D’ÊTRE EXÉCUTÉ
Un homme de 65 ans doit être exécuté en Floride le 15 février pour un meurtre commis en 1980. Il a passé la moitié de sa vie dans le couloir de la mort.
En septembre 1980, Robert Waterhouse, alors âgé de 33 ans, a été condamné à mort pour l’assassinat de Deborah Kammerer. Le corps dénudé de celle-ci avait été retrouvé huit mois plus tôt dans une vasière à Tampa Bay, en Floride. Robert Waterhouse, qui au moment du crime était en liberté conditionnelle dans le cadre de sa condamnation pour un meurtre sans préméditation commis en 1966 à New York, a été arrêté et inculpé du meurtre de cette femme. En 1988, la cour suprême de Floride a ordonné une nouvelle audience de prononcé du jugement (voir page suivante). Il a été de nouveau condamné à mort en 1990.
En 2003, les avocats de Robert Waterhouse ont déposé une requête auprès d’une juridiction d’État pour que des analyses ADN soient pratiquées sur les pièces à conviction. Lors d’une audience en 2005, il a été établi que ces pièces avaient été détruites et qu’il ne restait rien qui puisse être soumis à des analyses ADN. Le juge a conclu que la destruction avait été commise par inadvertance. Une nouvelle requête a été déposée au motif qu’il serait anticonstitutionnel d’exécuter un prisonnier qui a
« invariablement et continuellement clamé son innocence » et qui a demandé pour la prouver des analyses ADN non disponibles au moment de son procès, alors que toutes les pièces à conviction ont été détruites à la suite d’une imprudence ou d’une négligence des autorités. La cour suprême de Floride doit procéder à l’audition des arguments relatifs à cette requête le 7 février.
La requête fournit en outre un nouveau témoignage d’un homme indiquant qu’il se trouvait le soir du meurtre dans le bar d’où, selon la déposition d’une barmaid qui était un témoin clé de l’accusation, Robert Waterhouse serait parti avec Deborah Kammerer. Dans une déclaration sur l’honneur signée le 9 janvier 2012, le nouveau témoin (qui travaillait également dans le bar) affirme qu’il aurait été impossible pour la barmaid de voir la sortie de l’endroit où elle a dit s’être trouvée à ce moment-là. Il ajoute que, le soir en question, il a vu Robert Waterhouse quitter le bar avec deux hommes blancs, et non avec la victime. Il affirme qu’il a été interrogé par des policiers à l’époque, qu’il leur a donné ces indications mais que l’inspecteur semblait « indifférent » et l’avait ensuite « accusé de tenter de protéger un meurtrier ». Il précise qu’il se manifeste maintenant car il a lu un article d’un journal du 5 janvier 2012 dans lequel il est écrit que Robert Waterhouse a été vu quittant le bar avec Deborah Kammerer, ce qui, selon lui, n’est « pas vrai ».
Les avocats de Robert Waterhouse rappellent par ailleurs que le gouverneur de Virginie a commué en 2005 la condamnation à mort de Robin Lovitt. Le gouverneur avait alors tenu compte de la destruction par les autorités d’éléments biologiques et d’autre nature provenant de la scène du crime. Soulignant que la peine de mort était « la sanction la plus sévère et radicale » de l’État, il avait déclaré que le système devait « agir en toute intégrité » et que la destruction des preuves avait « ébranlé la confiance du public dans le système ».
ACTION RECOMMANDÉE : lettre prioritaire/ e-mail :
● expliquez que vous ne cherchez aucunement à excuser le crime dont il est question dans cette affaire, ni à minimiser les souffrances qu’il a causées ;
● dites-vous préoccupé par la destruction des pièces à conviction, qui rend les analyses ADN impossibles ;
● soulignez qu’un nouveau témoignage remet en question la déposition d’un témoin clé de l’accusation ;
● exhortez le gouverneur à commuer la condamnation à mort de Robert Waterhouse.
MERCI D’ENVOYER VOS APPELS LE PLUS TÔT POSSIBLE, AVANT LE 15 FÉVRIER 2012, À :
Gouverneur de la Floride
Governor Rick Scott
Office of the Governor
The Capitol, 400 S. Monroe St.,
Tallahassee, FL 32399-0001, États-Unis
Courriel : Rick.scott@eog.myflorida.com
Formule d’appel : Monsieur le Gouverneur,
COPIES À :
Ambassade des Etats-Unis
2 avenue Gabriel - 75008 Paris
Tél :01 43 12 22 22 - Fax :01 42 66 97 83
|
Tarifs postaux pour les Etats-Unis :
Lettre internationale (20 g) : 0.89 €
|
INFORMATIONS GÉNÉRALES
En 1988, la cour suprême de Floride a ordonné une nouvelle audience de prononcé du jugement pour Robert Waterhouse, faisant suite à une décision rendue en 1987 par la Cour suprême des États-Unis portant sur les éléments présentés à titre de circonstances atténuantes dans les affaires où l’accusé encourt la peine de mort. Lors de cette audience, qui s’est tenue en 1990, Robert Waterhouse a refusé d’autoriser la présentation de circonstances atténuantes en sa faveur. Il a déclaré que son avocat aurait pu présenter « au moins une demi-douzaine de circonstances atténuantes » mais qu’il ne lui permettrait pas de le faire car il « ne devrai[t] pas être ici à supplier pour qu’on [lui] laisse la vie », et que le fait de ne pas présenter ces éléments « épargn[ait] à [sa] famille l’embarras, le traumatisme ». Il voulait que son avocat appuie ses arguments sur la « persistance d’un doute », mais étant donné que celle-ci n’était pas considérée comme une circonstance atténuante au regard de la législation de la Floride, l’avocat a estimé qu’il ne pouvait pas le faire d’un point de vue éthique.
Les deux avocats qui ont assuré la défense de Robert Waterhouse en 1980 ont vu la déclaration signée en janvier 2012 par l’homme qui a remis en question les éléments du procès. Ils ont depuis eux-mêmes signé des déclarations affirmant qu’il aurait été un témoin important s’ils avaient pu le présenter au procès pour contredire le témoin clé de l’accusation – la barmaid qui avait indiqué que Robert Waterhouse avait quitté le bar avec Deborah Kammerer. Dans leurs déclarations, ils précisent que, même s’il était « brièvement fait mention » de ce témoin dans le rapport de police qu’ils avaient vu avant le procès, le rapport indiquait qu’il n’avait « aucune information relative au soir en question ». Ils affirment qu’ils n’ont pas contacté ce témoin car ils se sont « fiés à ce rapport de police, pensant qu’il s’agissait d’un compte-rendu fidèle de ce qu’il avait déclaré aux policiers ».
Le système d’application de la peine capitale aux États-Unis est frappé au coin de l’arbitraire, entaché de discrimination et marqué par des erreurs. L’une des statistiques les plus frappantes concernant la peine de mort est que, depuis que la Cour suprême a autorisé en 1976 la reprise des exécutions en vertu de nouvelles lois relatives à la peine capitale, plus de 130 personnes ont été innocentées de crimes pour lesquels elles avaient été condamnées à cette peine. Dans plus de 10 % de ces cas, les analyses ADN ont joué un rôle essentiel dans le rétablissement de la vérité.
Amnesty International est catégoriquement opposée à la peine de mort en toutes circonstances, indépendamment des questions relatives à la culpabilité ou à l’innocence, quel que soit le crime commis ou la méthode d’exécution. À l’heure actuelle, quelque 140 pays sont abolitionnistes en droit ou en pratique. Les États-Unis semblent se détourner peu à peu de ce châtiment : 43 exécutions ont été enregistrées dans ce pays en 2011, contre 46 en 2010 et 52 en 2009. Le nombre de peines de mort prononcées chaque année est quant à lui en forte baisse, ayant diminué d’environ deux tiers depuis le milieu des années 1990. En 2011, ce nombre est tombé en dessous de 100 pour la première fois depuis 1977.
Depuis que les exécutions judiciaires ont repris aux États-Unis en 1977, les autorités de ce pays ont ôté la vie à 1 279 personnes, dont 71 en Floride. Deux exécutions ont eu lieu aux États-Unis depuis le début de l’année 2012, respectivement en Oklahoma et au Texas.